Dans cet article intitulé « Les droits des handicapés doivent être respectés par les institutions », c’est notre collaboratrice Inès Chometon elle-même en situation de handicap qui analyse une récente décision du Défenseur des Droits du 6 octobre 2023 ; décision historique qui condamne fermement les négligences des institutions et réaffirme le respect indispensable des droits fondamentaux des personnes handicapées.
Les personnes handicapées peuvent-elles être déplacées contre leur volonté entre famille et institutions ? Leur prise en charge peut-elle être modifiée au gré des décisions administratives sans plan global d’accompagnement ? Peut-on les abandonner à la charge de leurs proches sans proposer de solutions adaptées ?
A toutes ces questions cruciales, le Défenseur des Droits a répondu un « non » ferme dans sa décision du 6 octobre 2023. Une décision qui va faire date dans le combat des personnes handicapées pour le respect de leur dignité et de leurs droits.
Cette décision concerne une jeune adulte polyhandicapée qui bénéficiait d’une prise en charge journalière dans une Maison d’accueil spécialisé (MAS). Prenant prétexte de ses nombreuses absences, l’institution propose une réduction de son temps de prise en charge. Les tuteurs de la jeune fille refusent et expliquent que seuls des problèmes de santé sont à l’origine de ces absences. Elles ne peuvent doc pas justifier une diminution de sa prise en charge. C’est alors que la CDPAH (Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées) décide unilatéralement, le 12 juin 2018, de mettre fin à l’accueil de la jeune handicapée en MAS. Pire encore, elle donne à sa décision un effet rétroactif à 2016 ! Les tuteurs alertent la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Cette dernière veut bien reconnaitre qu’il y a peut-être une erreur d’appréciation de la situation mais ne propose aucune solution. La situation s’enlise malgré les démarches et les recours. Et la jeune handicapée est laissée purement et simplement à la charge de ses proches.
Des conséquences graves pour la famille et un précédent important
La décision du Défenseur des Droits condamne nettement tout le processus. La MAS est fautive parce qu’elle n’a pas sollicité la révision de l’orientation de la résidente vers une autre structure comme l’exige la loi. Elle est fautive encore d’avoir mis fin unilatéralement à son accueil, privant ainsi tuteur et famille de toute possibilité d’anticiper la décision ou de faire un recours avant son exécution.
Une affaire symptomatique d’une gestion défaillante
La décision de la CDAPH du 12 juin 2018 est également fautive. Tout simplement parce qu’elle n’a pas été motivée comme l’impose pourtant l’article L-241-6 du Code de l’Action Sociale. Pire encore : la décision invente une rétroactivité incohérente qui ajoute de la confusion à la situation et aggrave les préjudices de la jeune fille et de sa famille.
Enfin la MDPH est aussi fautive par négligence. Malgré les alertes des tuteurs, elle n’a proposé aucune solution face à la situation de la jeune fille. Et son Plan d’Accompagnement Global est bien tardif. Tout de cela, dit le Défenseur des droits est de la négligence.
Pour le Défenseur des Droits, les trois instituions ont, dans cette affaire, gravement porté atteinte aux droits de la jeune handicapée. Atteinte à sa dignité, atteinte à son autonomie, atteinte à sa sécurité. L’absence de solution d’accueil a, de plus entraîné des difficultés considérables pour la famille qui a été contrainte de répondre, du jour au lendemain, à tous les besoins de leur proche. De tous ces préjudices, la jeune fille et sa famille sont bien fondées à demander réparation devant la justice.
Cette affaire illustre bien, hélas, la situation française en matière de prise en charge du handicap : une communication insuffisante entre toutes les structures, une gestion administrative totalement inefficace et trop souvent illégale. Tout cela sur fond d’une pénurie de places adaptées pour les personnes en situation de handicap.
Mais l’affaire rappelle aussi une vérité fondamentale : les personnes handicapées ont des droits. Et ceux-ci sont inscrits en toutes lettres dans la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH), ratifiée par la France. La CIDPH garantit notamment :
- L’égalité des chances et la non-discrimination
- Le droit de vivre dans la société avec une liberté de choix
- L’accès à des services adaptés pour éviter l’exclusion sociale
Une avancée pour le respect des droits
Voilà tout ce qu’ont ignoré les institutions chargées du handicap dans cette affaire. Voilà ce qu’elles ignorent encore trop souvent alors qu’elles devraient être les premières à les respecter. Mais la décision du Défenseur des Droits du 6 octobre 2023 va permettre de défendre encore plus efficacement les droits des personnes handicapées.
A retenir :
Une leçon : les droits des handicapés sont inscrits dans la loi
Malgré ces dysfonctionnements, la décision rappelle une vérité fondamentale : les personnes handicapées ont des droits, protégés par la Convention Internationale relative aux Droits des Personnes Handicapées (CIDPH), ratifiée par la France.
La CIDPH garantit notamment :
- L’égalité des chances et la non-discrimination.
- Le droit de vivre dans la société avec une liberté de choix.
- L’accès à des services adaptés pour éviter l’exclusion sociale.
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